Le droit des sûretés a fait l’objet en 2006 d’une refonte intégrale, au cours de laquelle le Législateur a créé une toute nouvelle garantie assise spécifiquement sur les stocks de l’entreprise, sous l’appellation simplissime de « gage de stock ».
Au titre de cette garantie, et pour en dresser un portrait sommaire, on peut rappeler que le débiteur assure son créancier du bon paiement de sa dette en lui offrant une préférence, en cas de défaut de paiement, sur la valeur de ses stocks existants.
Cette simplicité apparente trouvait à se complexifier car ce tout nouveau régime, précisé aux articles L.527-1 et suivants du Code de commerce, devait composer avec la pratique préexistante et ayant consisté, en l’absence de texte spécifique, à se placer sous le régime du droit commun, c’est-à-dire à considérer le gage de stock comme un simple « gage de meuble corporel sans dépossession ».
En effet, et rien ne l’interdisait jusqu’alors, les stocks – qui fatalement demeuraient chez le commerçant pour lui permettre l’exercice de son activité (d’où le vocable « sans dépossession ») – étaient affectés à la garantie des droits de l’un de ses créanciers.
Cette situation ne posait pas de difficulté majeure, et la création d’une nouvelle garantie dédiée aux stocks n’en aurait d’ailleurs pas posé d’avantage, si ces deux régimes avaient offert la même souplesse.
Or, le gage de meuble corporel sans dépossession autorisait la stipulation d’une « clause commissoire » (ou pacte commissoire) au titre de laquelle, en cas de défaut de paiement de la dette, le créancier devient automatiquement propriétaire du bien gagé.
A l’inverse, le gage de stocks avait exclu cette possibilité, les articles du Code de commerce renvoyant, en cas de défaut de paiement, à l’application de dispositions relatives à la réalisation des meubles corporels (c’est-à-dire à une vente forcée incluant une procédure judiciaire spécifique).
Subsistait par conséquent une inégalité de traitement entre les bénéficiaires d’un gage « de droit commun » et les bénéficiaires d’un gage de stock, ces derniers étant contraints de procéder à leurs frais à une procédure d’exécution supplémentaire à laquelle pouvaient échapper les premiers par une simple clause insérée au contrat (pacte commissoire).
Au surplus, cette différence de traitement avait des conséquences notables en cas de redressement ou de liquidation judiciaires du débiteur, puisque dans un cas (gage de droit commun) le créancier était automatiquement devenu propriétaire des stocks et n’avait qu’à en réclamer la restitution, alors que dans le second cas (gage de stocks) le créancier devait déclarer sa créance entre les mains du mandataire judiciaire, et se voyait affecté par l’interdiction faite à son débiteur de payer une créance antérieure au jugement d’ouverture de la procédure collective.
La tendance naturelle aura donc été de tenter d’échapper au gage de stocks, et de se placer volontairement sur le terrain du gage « de droit commun » pour bénéficier de cette souplesse.
Par un arrêt d’Assemblée Plénière du 07 décembre 2015, la Cour de cassation a définitivement tranché une question demeurant en suspens en retenant que « s’agissant d’un gage portant sur les éléments visés à l’article L.527-3 du Code de commerce [c’est à dire un gage portant sur des stocks] et conclu dans le cadre d’une opération de crédit, les parties, dont l’une est un établissement de crédit, ne peuvent soumettre leur contrat au droit commun du gage de meubles sans dépossession ».
Ainsi, la Cour de cassation a retenu que le gage de stocks de l’article L.527-3 du Code de commerce, qui institue un régime spécial par rapport au gage « de droit commun » du Code civil, doit trouver application sans possibilité d’y déroger, même volontairement.
L’Assemblée Plénière faisait ici une application de l’adage latin bien connu selon lequel « le spécial déroge au général », et interdisait ainsi aux Banques de consentir des prêts garantis par un gage « de droit commun » portant sur des stocks.
Par voie de conséquence, les établissements bancaires se voyaient privés de la possibilité de stipuler un pacte commissoire.
Cette position de la Cour de cassation ne trouvera application que pour un temps, puisque sur la base d’une Loi d’habilitation du 06 août 2015 (Loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques), le Gouvernement entreprenait par voie d’ordonnance de rapprocher les deux régimes juridiques.
Ainsi, l’article L.527-8 du Code de commerce prévoit désormais qu’à défaut de paiement de la dette garantie, le créancier peut poursuivre la réalisation de son gage selon les modalités des articles 2346 à 2348 du Code civil, lequel article 2348 autorise expressément le pacte commissoire.
Ces dispositions nouvelles sont entrées en vigueur pour les contrats conclus à compter du 1er avril 2016.