CONSTRUCTION : Autonomie de la recevabilité de l’action fondée sur le contrat d’assurance à l’égard de la recevabilité de l’action en garantie décennale

La recevabilité de l’action en garantie contre l’assureur multirisque-exploitation du maître de l’ouvrage n’est pas conditionnée par la recevabilité de l’action en garantie décennale à l’encontre du constructeur de l’ouvrage objet d’un sinistre.

Dans une affaire examinée par la Cour de Cassation à travers un arrêt rendu le 9 octobre 2025 (pourvoi n°23-20.446), une société d’exploitation agricole fait édifier une fosse à lisier en béton, située sous ses étables à bovins, qu’elle réceptionne en 2005.

Le constructeur procède à une reprise partielle de l’ouvrage au cours de l’année 2012.

Le 7 mars 2018, le mur porteur de la fosse à lisier s’effondre, et le cheptel de bovins doit être euthanasié.

Par une assignation en référé en date du 13 août 2018, l’assureur multirisque-exploitation du maître d’ouvrage sollicite une expertise afin d’identifier les causes du sinistre, et de chiffrer les préjudices subis par l’exploitation agricole.

L’expert conclut que la survenance du sinistre est indépendante de la reprise partielle de l’ouvrage par le constructeur, intervenue en 2012.

Sur le fondement du rapport rendu par l’expert, le maître d’ouvrage assigne le constructeur, ainsi que sa propre assurance multirisque-exploitation, par assignations des 25 mai et 26 juin 2020.

Les deux parties défenderesses opposent alors au maître de l’ouvrage la prescription de son action, en ce que le délai de forclusion de son action en garantie décennale a expiré en 2015, à l’issue d’un délai de dix ans suivant la réception de l’ouvrage.

La Cour d’appel d’Amiens, saisie de l’affaire, juge que l’action du maître d’ouvrage fondée sur la garantie décennale du constructeur est forclose, de sorte que l’action contre l’assureur multirisque-exploitation du maître d’ouvrage est également irrecevable.

Le maître d’ouvrage se pourvoit en cassation aux motifs, d’une part, que le délai de forclusion de son action en garantie décennale aurait été interrompu en 2012, et d’autre part, que l’irrecevabilité de l’action en garantie décennale ne s’étend pas à l’action introduite à l’encontre de son assureur.

Par un arrêt rendu en date du 9 octobre 2025, la troisième Chambre civile de la Cour de cassation rejette le premier moyen formulé par la société d’exploitation agricole, et accueille le second.

 La Cour juge, en premier lieu, que les dispositions de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 ont supprimé, dès l’entrée en vigueur de cette loi, la cause d’interruption du délai de forclusion fondée sur la reconnaissance de responsabilité du débiteur.

Aussi, même à considérer que l’intervention du constructeur en 2012 serait constitutive d’une reconnaissance de responsabilité, cette reconnaissance, en ce qu’elle est intervenue après la date d’entrée en vigueur de la loi précitée, n’aurait eu aucune incidence sur le délai de forclusion de l’action en garantie décennale.

En second lieu, toutefois, la troisième Chambre civile de la Cour de cassation infirme l’arrêt de la Cour d’appel d’Amiens en ce qu’il a considéré que l’irrecevabilité de l’action en garantie décennale entraînait l’irrecevabilité de l’action fondée sur le contrat d’assurance.

En l’espèce, cette deuxième action fait l’objet d’un délai de prescription d’une durée de deux ans, commençant à courir à compter du 7 mars 2018, date de survenance du sinistre.

S’agissant d’un délai de prescription, il a été interrompu par l’introduction d’une demande d’expertise en référé, le 13 août 2018, jusqu’à la nomination de l’expert, intervenue le 25 octobre 2018.

Or, le maître d’ouvrage a assigné son assureur en date du 26 juin 2020, soit avant le 25 octobre 2020, date d’acquisition de la prescription biennale, de sorte que son action n’est pas prescrite.

 En conclusion, la recevabilité de l’action fondée sur un contrat d’assurance n’est pas conditionnée par la recevabilité de l’action en garantie décennale à l’encontre du constructeur de l’ouvrage objet du sinistre.

Les délais qui encadrent les exercices de ces actions n’ont pas les mêmes points de départ, et sont soumis à des régimes différents, de telle manière qu’ils sont indépendants l’un de l’autre.

CONSTRUCTION : Autonomie de la recevabilité de l’action fondée sur le contrat d’assurance à l’égard de la recevabilité de l’action en garantie décennale

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