BAIL COMMERCIAL : Les mentions obligatoires pour la délivrance d’un congé par le bailleur ne sont pas exigées lorsqu’il exerce son droit d’option

Bail commercial

Le bailleur qui notifie un refus de renouvellement du bail commercial, à l’occasion d’une procédure de fixation du montant du loyer de renouvellement, n’est pas tenu de respecter les mentions obligatoires du congé, prévues au dernier alinéa de l’article L. 145-9 du Code de commerce.

Dans l’affaire que la Cour de Cassation a été amenée à trancher le 27 mars 2025, un commerçant de bijoux et d’objets d’art a pris à bail un local appartenant à une société civile immobilière (SCI), à compter du 1er janvier 2008, pour une durée de neuf ans.

Le 19 août 2016, le locataire sollicite le renouvellement du bail à compter du 1er janvier 2017.

La société bailleresse lui adresse, le 17 janvier 2018, un mémoire en fixation du loyer du bail renouvelé, loyer de renouvellement que le locataire refuse le 12 mars 2018.

Le 12 juin 2018, la SCI bailleresse exerce son droit d’option, en vertu des dispositions de l’article L.145-57 du Code de commerce, et notifie au preneur son refus de renouvellement du bail.

Le 23 septembre 2020, le locataire assigne la SCI bailleresse en annulation de son droit d’option, et en constatation du renouvellement du bail.

La locataire se voit alors opposer la prescription de son action, à défaut d’avoir agi dans les deux années suivant l’exercice du droit d’option.

Saisie de l’affaire, la Cour d’appel de Paris juge, par un arrêt rendu le 25 janvier 2023, que la SCI pouvait valablement exercer son droit d’option, et que l’action de l’ancien locataire en annulation de l’exercice de ce droit est prescrite.

L’ancien locataire se pourvoit alors en cassation, au motif, d’une part, que la notification du refus de renouvellement ne contenait pas les mentions obligatoires du congé prévu à l’article L.145-9 du Code de commerce, et d’autre part, que la SCI bailleresse, qui avait exercé son droit d’option sans manifester sa volonté de reprise effective des lieux, était de mauvaise foi, et ne pouvait invoquer la fin de non-recevoir tirée de la prescription.

En effet, l’ancien locataire reproche à la société bailleresse de refuser le renouvellement du bail, par l’exercice de son droit d’option, sans mentionner le délai accordé au locataire pour le contester, et sans effectuer de diligences tendant à la reprise matérielle des lieux.

Il est à rappeler que, dans le cadre d’un congé, le bailleur doit effectivement informer son preneur du délai de deux années lui étant imparti pour saisir le Tribunal, à peine de nullité du congé.

Par un arrêt rendu le 27 mars 2025, la troisième Chambre civile de la Cour de Cassation valide le raisonnement de la Cour d’appel, et confirme que l’exercice du droit d’option du bailleur commercial n’est pas soumis aux dispositions de l’article L.145-9 du Code de commerce.

Dès lors, la notification au locataire du refus de renouvellement du bail n’a pas à contenir les mentions obligatoires imposées dans le cadre d’un congé, et notamment la mention du délai accordé au locataire pour le contester.

En conclusion, il appartient aux locataires d’être vigilants et réactifs lorsque leur bailleur exerce son droit à s’opposer au renouvellement du bail, même lorsque celui-ci n’entreprend aucune diligence tendant à la reprise des lieux loués.

Réciproquement, le bailleur qui exerce son droit d’option, en vertu des dispositions de l’article L.145-57 du Code de commerce, n’est pas tenu, au-delà des textes, de respecter les dispositions propres au congé.

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Clause d’indexation du loyer commercial : attention à la sanction de l’article L.112-1 du CMF

Avocat baux commerciaux

 

La Cour de cassation vient de rappeler, par un arrêt du 06 février 2020, l’application des dispositions de l’article L.112-1 du Code monétaire et financier aux loyers commerciaux, en ce compris lorsque la période de référence est celle s’écoulant entre la conclusion du bail commercial et la toute première indexation.

L’article L.112-1 du CMF, précise en son second alinéa :

« Est réputée non écrite toute clause d’un contrat à exécution successive, et notamment des baux et locations de toute nature, prévoyant la prise en compte d’une période de variation de l’indice supérieure à la durée s’écoulant entre chaque révision. »

La troisième chambre civile de la Cour de cassation nous offre ici un exemple concret, en matière de baux d’habitation.

Une société FDL1 avait donné à bail commercial à l’enseigne SPEEDY FRANCE un local en 2008.

Le bail contenait une clause selon laquelle l’indexation du loyer interviendrait pour la première fois en janvier 2009 (soit 1 an plus tard), en comparant les valeurs de l’indice des loyers commerciaux (ILC) du 4e trimestre 2006 et du 4e trimestre 2008 (soit sur une période de 2 années).

La Cour de cassation rappelle ici que la clause doit être réputée non écrite, en application de l’article L.112-1 du Code monétaire et financier.

La Cour de cassation précise donc qu’il est totalement indifférent que cette clause aurait vocation à ne régir que la première indexation du loyer : dès lors que la variation indiciaire se trouve calculée sur une période plus longue que la durée s’écoulant entre deux révisions, la clause doit être réputée non écrite.

Cette sanction ne doit cependant s’appliquer qu’à la stipulation qui créé spécifiquement une telle distorsion.

Or, dans cette affaire, la distorsion disparaissait pour les années ultérieures (les parties ayant convenu ensuite de calculer la variation indiciaire sur une seule année), de telle sorte que la Cour de cassation a censuré la Cour d’appel pour avoir considéré que l’entièreté de la clause devait être réputée non écrite.

 

Cass. Civ.3e, 6 fév. 2020 n°18-24.599

 

Avocat baux commerciaux

Bail commercial : la Cour de cassation confirme qu’il est possible pour le preneur de délivrer congé par LRAR

Avocat baux commerciaux

Par un arrêt du 24 octobre 2019, la Chambre commerciale de la plus Haute Juridiction a confirmé l’applicabilité aux baux commerciaux en cours de la nouvelle rédaction de l’article L.145-4 du Code de Commerce.

Cette nouvelle rédaction de l’article permet désormais au preneur la délivrance des congés, à chaque période triennale (au moins 6 mois avant celle-ci) :

  • Soit par acte d’huissier de justice (seule modalité existante jusqu’alors)
  • Soit par lettre recommandée avec accusé de réception.

Le principal apport de cet arrêt est qu’il portait sur un bail conclu en 2010, soit bien antérieurement à cette modification législative résultant de la Loi du 6 août 2015.

L’application de la Loi nouvelle dans le temps est souvent source d’incertitudes, que la Cour de cassation a ici entendu lever, en rappelant :

« Qu’en statuant ainsi, alors que l’article L. 145-4, dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2015, confère au preneur la faculté de donner congé à l’expiration d’une période triennale, au moins six mois à l’avance, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par acte extrajudiciaire, la cour d’appel a violé les textes susvisés, le premier par refus d’application et le second par fausse application ; »

A rappeler tout de même : cette faculté n’est ouverte qu’au preneur, et le bailleur doit toujours, lorsqu’il délivre congé, faire délivrer ce dernier par acte d’Huissier de Justice, conformément aux dispositions, inchangées, de l’article L.145-9 du Code de commerce.

Cass. Com. 24 oct. 2019 n°18-24.077

Avocat baux commerciaux

Résiliation du bail commercial pour défaut de paiement des loyers postérieurs au Jugement d’ouverture de la Liquidation judiciaire : le commandement de payer est facultatif.

Avocat baux commerciaux

Dans le cadre classique d’une résiliation d’un bail commercial pour défaut de paiement des loyers, le bailleur doit respecter un formalisme particulier, lorsqu’il souhaite mettre en œuvre la clause dite résolutoire.

Ainsi, et conformément aux dispositions de l’article L.145-41 du Code de commerce, la clause résolutoire ne peut produire son effet qu’à compter d’un commandement de payer, adressé par le bailleur à son locataire, et demeuré sans suite durant un mois.

La situation se complique cependant pour le propriétaire dans le cas particulier où son locataire est placé en sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire.

En pratique, le bailleur ne saurait agir en résiliation du bail s’agissant des échéances de loyer antérieures à l’ouverture de la procédure collective de son locataire. En effet, la dette locative constituée antérieurement au Jugement d’ouverture est, par principe et au même titre que les autres dettes existant à l’ouverture de la procédure, gelée. Elle ne pourra être réglée que dans le cadre soit du plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire qui devrait être arrêté à l’issue de la période d’observation, soit lors des répartitions à intervenir entre tous les créanciers de la liquidation judiciaire.

Néanmoins, le bailleur demeure en capacité de faire constater la résiliation du bail pour défaut de paiement d’échéances de loyer postérieures au Jugement d’ouverture. En effet, le débiteur est tenu de régler à bonne date les créances nées postérieurement au Jugement d’ouverture.

L’article Article L641-12 du Code de commerce dispose d’ailleurs très clairement, en matière de liquidation judiciaire, que :

«Sans préjudice de l’application du I et du II de l’article L. 641-11-1, la résiliation du bail des immeubles utilisés pour l’activité de l’entreprise intervient dans les conditions suivantes :[…]

3° Le bailleur peut également demander la résiliation judiciaire ou faire constater la résiliation de plein droit du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de liquidation judiciaire, dans les conditions prévues aux troisième à cinquième alinéas de l’article L. 622-14.

[…] ».

Les conditions de l’article L.622-14 du Code de commerce font en l’occurrence référence à l’interdiction pour le bailleur d’agir en résolution, avant l’expiration d’un délai de 3 mois.

La chambre commerciale de la Cour de cassation vient ici de préciser encore le régime applicable à un tel cas de résiliation « de plein droit », en application des dispositions précitées, en indiquant que :

« Qu’en statuant ainsi, alors que le bailleur, qui agissait devant le juge-commissaire pour lui demander la constatation de la résiliation de plein droit du bail, sans revendiquer le bénéfice d’une clause résolutoire, n’était pas dans l’obligation de délivrer le commandement exigé par l’article L. 145-41 du code de commerce, la cour d’appel, qui a ajouté à la loi une condition qu’elle ne comporte pas, a violé les textes susvisés ; »

Dans une telle hypothèse, il est donc plus rapide pour le bailleur d’agir, non pas en application de la clause résolutoire, ce qui supposerait la délivrance d’un commandement de payer préalable, et la saisine du Juge des référés, mais devant le Juge-commissaire.

Ce dernier ne fera en réalité que constater l’absence de paiement des loyers postérieurs, et par conséquent confirmer que le bail a pris fin de plein droit.

Cass. Com. 9 octobre 2019 (n°18-17.563)

Avocat baux commerciaux

Loyer Commercial : recevabilité de l’action en révision du loyer

Baux commerciaux Nantes

La troisième chambre civile de la Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler que la recevabilité de l’action judiciaire en révision d’un loyer commercial est conditionnée par l’existence d’une proposition préalable, adressée par l’auteur de la demande de révision.

En effet, l’article R.145-20 du Code de commerce précise que :

« La demande de révision des loyers prévue à l’article L. 145-37 est formée par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Elle précise, à peine de nullité, le montant du loyer demandé ou offert.

A défaut d’accord, la demande est jugée dans les conditions prévues aux articles L. 145-56 à L. 145-60.

Le nouveau prix est dû à dater du jour de la demande.« 

La Cour de cassation n’a donc pu que considérer comme irrecevable la demande en révision du prix, formulée par dépôt d’un mémoire en demande devant le Juge des loyers commerciaux, quand la demande de révision prévue à l’article R.145-20 du Code de commerce n’a été adressée que postérieurement à la saisine de ce Juge.

Cass. Civ. 3e, 26 janv. 2017 n°16-10.304

Baux commerciaux Nantes